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Photo du rédacteurMarie Horodecki Aymes

L’IA et l’Esclavage Moderne : Peut-elle vraiment faire la lumière dans les Chaînes d’Approvisionnement ?


people in a cotton field

Dans le monde complexe des chaînes d'approvisionnement globalisées, un parcours qui mène des matières premières au produit final traverse souvent plusieurs continents et passe entre les mains d’innombrables fournisseurs. Ce maillage mondial favorise l’efficience, mais il comporte aussi une réalité peu reluisante : l’esclavage moderne. On estime que plus de 40 millions de personnes dans le monde y sont soumises. Alors que l’intelligence artificielle (IA), et en particulier les modèles de langage de grande ampleur (LLM), montrent de réelles capacités à traiter des données non structurées et à détecter des motifs enfouis, peut-elle réellement changer la donne ?


Dévoiler les Zones d’Ombre de l’Esclavage Moderne dans les Chaînes d’Approvisionnement

L’esclavage moderne ne se manifeste pas uniquement dans les niveaux les plus visibles des chaînes d’approvisionnement. Il prospère dans les couches les plus opaques, là où les réglementations et les audits peinent à percer. Les audits donnent une vue partielle, tandis que les réglementations, bien que nécessaires, manquent souvent d’application rigoureuse. Ici, l’IA – et en particulier les modèles LLM, qui analysent de grands volumes de données non structurées issues des réseaux sociaux, de la presse locale, et même des documents textuels – apparaît comme une nouvelle solution pour suivre les pratiques de travail à tous les niveaux de la chaîne.


Projet AIMS : Exploiter l’IA pour Mieux Comprendre les Déclarations d’Esclavage Moderne

À Montréal, l’Institut Mila – Québec en IA a lancé le projet AIMS (Artificial Intelligence Against Modern Slavery), qui s’attaque à une tâche spécifique : analyser les déclarations sur l’esclavage moderne que les entreprises sont tenues de produire dans le cadre des régulations britanniques et australiennes. Le modèle d’IA du projet AIMS est capable d’examiner ces déclarations, d’identifier les zones où les informations manquent, et de repérer le langage vague ou ambigu. Les LLM offrent ici un avantage particulier : leur capacité à traiter le langage naturel et à extraire des informations clés de documents non structurés, ce qui permet une évaluation plus systématique de l’engagement des entreprises.

Cependant, comme le souligne Maha Khan, de l’Université des Nations Unies, ces outils nécessitent des données de qualité et un cadre éthique strict. Sans ces fondements, l’IA ne peut aller au-delà d’une simple évaluation formelle, et risque de manquer les nuances des pratiques d’exploitation.


Des Cas Concrets : Quand l’IA et les Données Non Structurées S’Unissent pour la Transparence

Certaines entreprises se sont déjà lancées dans l’intégration de l’IA pour améliorer la transparence des chaînes d’approvisionnement et répondre aux exigences ESG (Environnement, Social et Gouvernance) :

  • Exiger : À travers une plateforme d’évaluation des risques pilotée par l’IA, Exiger aide les entreprises à identifier les risques d’esclavage. Grâce aux données non structurées, telles que les registres publics et les réseaux sociaux, l’outil détecte des signaux d’alerte sur les pratiques d’exploitation.

  • Everstream Analytics : Ce spécialiste des analyses prédictives applique l’IA pour évaluer divers risques de chaîne d’approvisionnement, y compris le travail forcé. La capacité d’Everstream à travailler avec des flux de données en temps réel permet de repérer les signes de perturbations ou de mauvaises pratiques, et de réagir plus rapidement.

  • Resilinc : Resilinc utilise son outil EventWatch, qui s’appuie sur des données non structurées pour suivre les risques en temps réel. En traitant les actualités et les médias sociaux, il offre aux entreprises une surveillance proactive des risques d’exploitation dans les régions vulnérables.

  • Projet AIMS (Mila) : AIMS mise sur l’analyse des rapports de conformité des entreprises, en utilisant des LLM pour détecter les manques de transparence et encourager une meilleure précision dans les déclarations.


Défis Éthiques et Opérationnels : L’IA peut-elle vraiment “voir” l’esclavage ?

L’efficacité de l’IA pour détecter l’esclavage dépend de la qualité des données qu’elle utilise, or les chaînes d’approvisionnement sont loin d’être uniformes en matière de collecte de données. Dans les zones où les réglementations sont faibles, l’accès aux données peut être limité. Les LLM permettent certes de donner un sens à des données disparates, mais les biais dans ces modèles restent un risque : en analysant des données qui, elles-mêmes, peuvent être partielles ou faussées, ils peuvent produire des résultats biaisés ou manquer d’objectivité.


Aller au-delà de la Technologie : Vers une Transformation Plus Large

Pour que l’IA puisse vraiment éclairer les chaînes d’approvisionnement, il sera nécessaire de s’appuyer sur des standards de données partagés et des partenariats solides. La collaboration entre entreprises, régulateurs, et innovateurs technologiques sera cruciale pour que ces outils soient à la fois performants et éthiques. Le projet AIMS, avec ses partenaires potentiels dans les ONG et le secteur privé, illustre bien cette approche collaborative.


Un Outil Puissant, mais un Long Chemin à Parcourir

L’IA, et notamment les modèles de langage, offrent des perspectives inédites pour comprendre et mettre en lumière les zones d’ombre des chaînes d’approvisionnement. Cependant, cette technologie n’est qu’une partie d’une solution plus vaste : les engagements des entreprises, l’évolution des normes, et la collaboration intersectorielle seront indispensables pour atteindre une transparence réelle et des pratiques éthiques. En l’état, l’IA peut jouer un rôle d’appui pour identifier les risques cachés, mais l’élimination de l’esclavage moderne exigera un engagement qui va bien au-delà des algorithmes.


Pour aller plus loin :


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Guest
il y a 4 jours
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merci

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